Pourquoi on devrait tous voyager dans la vingtaine
Ah les jeunes... toujours accusés de dépenser leur argent sur des toasts à l'avocat et de bruncher leur vie à la dernière adresse tendance. Difficile de trouver le temps et l'argent pour voyager quand la pression sociétale te pousse à économiser pour ton condo à un demi-million, swiper à l'infini pour trouver l'âme-soeur et trouver une job dans des bureaux plus cools que ceux de Google. Il y aura toujours une raison de remettre les voyages à plus tard, mais âgé de 20 ans et des poussières, partir à la découverte du monde est probablement la meilleure décision que tu puisses prendre.
Ça peut sembler cliché, mais il s’agit du moyen le plus efficace pour apprendre à se connaître. Voyager te permet de sortir de ta zone de confort et de gérer une foule de situations qui peuvent parfois paraître insolites — que ce soit de passer la nuit dans un aéroport parce que ton avion a du retard, d’essayer de retenir ton envie de vomir après avoir attrapé je ne sais quel virus dans un pays étranger ou encore de dénicher par pur hasard LE meilleur resto de la ville dans laquelle tu viens d'atterrir. La vingtaine est le moment idéal pour plonger dans l’inconnu et remonter à la surface complètement transformée, prête à affronter n’importe quoi.
L’envie de voyager s’est manifestée à moi lorsque j’avais 18 ans et que j’étudiais à l’université de Cardiff, au Pays de Galles. J’avais décidé de prendre une année sabbatique pour partir à la découverte de la Bolivie. Je n’avais alors que très peu entendu parler de ce pays, mais les alpagas et l’altitude me semblaient très exotiques en contraste avec mon éducation typiquement britannique.
J’ai finalement décidé de poursuivre mes études et mis mes plans sur la glace. Les années sont passées et je suis tombée dans l’engrenage — je venais d’être embauchée au salaire minimum dans un magazine. Puis la récession mondiale s’est fait ressentir. Avec mon emploi sont venues de nouvelles inquiétudes: mes dettes étudiantes, ma pension, l’achat de ma première maison, la pression de monter les échelons… j'avais tellement de raisons de ne plus partir. Mon rêve de découvrir la Bolivie est donc subitement tombé aux oubliettes.
Quand on arrive à peine à arrondir ses fins de mois, l’idée de voyager peut sembler irréaliste.
Quand on arrive à peine à arrondir ses fins de mois, l’idée de voyager peut sembler irréaliste. Mais voyager n’est pas aussi cher que la rumeur le prétend, ça peut être fait de façon économique. Les étudiants et les jeunes en général peuvent souvent obtenir des vols en rabais, des offres spéciales hors-saison et des lits en auberge à un prix ridiculement bas. Et la plupart du temps, ils n’ont pas d’enfant ni d’hypothèque pour les retenir.
« Voyage tant que t’es jeune, car mon plus grand regret, c’est de ne pas avoir voyagé autant que je l’aurais voulu dans ma vingtaine! » C’est ce que mes amis et ma famille m’ont longtemps répété. Et à chaque fois, ils le disaient sur un ton tellement nostalgique qu’ils me rappelaient le petit papi du film Là-haut lorsqu’il feuillette son vieux livre d’aventures trop longtemps ignoré. J’avais à cœur ce qu’ils me confiaient, mais voyager n’était pas ma priorité — ça allait attendre à ce que je mette un peu d’ordre dans ma vie.
Je me suis — littéralement — ouvert les yeux lorsque j’ai reçu un coup de fil d’un ami tôt le matin pour m’annoncer la mort subite de l’une de nos bonnes copines. Ouch. J’y ai enfin vu clair. J’adorais mon travail en tant que rédactrice pour le journal local d’une petite ville anglaise, mais j’ai réalisé qu’à l’âge de 26 ans, je ne pouvais plus remettre mes plans de voyage à plus tard. J’ai donc commencé à économiser. Et pour y arriver, je suis retournée vivre chez mes pauvres parents (qui regrettaient probablement de ne pas m’avoir envoyé en Amérique du Sud lorsque j’avais 18 ans!). Puis, j’ai flambé toutes mes économies pour m’acheter un vol multi-destinations, des billets de bus et des nuits dans les auberges des villes que je planifiais visiter au Japon, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Canada et aux États-Unis.
Voyager seule m’a définitivement permis de sortir de ma zone de confort. Lorsque j’ai mis les pieds dans l’avion qui m’amenait à Tokyo, non sans avoir le visage couvert de larmes après une séance d’adieux déchirants avec mon copain de l’époque, j’ai eu une crise de panique. J’étais végétarienne et je ne connaissais que trois mots en japonnais — à quoi est-ce que j’avais bien pu penser de m'exiler dans un pays que je n’associais qu’au poisson cru et au film Lost in Translation. Le simple fait d’apprendre à me repérer dans le métro de Tokyo tout en essayant de combattre la fatigue du décalage horaire et de trouver mon auberge a été TOUTE une aventure. Maintenant âgée de 35 ans, il m’arrive encore souvent de me remémorer ce moment pour me rappeler que j’en ai vécu des choses et de vaincre le stress des premières dates et des présentations de travail.
Aussitôt arrivée à l’auberge de Tokyo, je me suis débarrassée de mon backpack et me suis emmitouflée sous les couvertures. À mon réveil, j’ai fait la connaissance d’une jeune Suédoise, Caroline, qui dormait dans le même dortoir que moi. Je peux vous dire que je me suis sentie particulièrement vieille en apprenant qu’elle n’avait que 17 ans et qu’elle parlait déjà plusieurs langues! Et heureusement, elle connaissait le japonais et l’anglais. Ha! Nous avons donc exploré la ville ensemble pendant une semaine. Rencontrer de nouvelles personnes dans les dortoirs ou dans la cuisine autour d’un bol de ce que je pouvais trouver de moins cher est devenue une routine. Je n’ai plus jamais été seule et j’ai toujours eu des amis pour m’aider à décortiquer ce qui se trouvait dans les sushis.
Voyager dans des endroits éloignés, c’est un peu comme recevoir une grande claque.
Revenir à la maison est tout aussi important que d’y partir. Tout le temps passé dans des pays en voie de développement m’a permis d’apprécier davantage (pas tout le temps, mais souvent!) ce que j’avais à la maison et de redéfinir ma façon de percevoir le succès et les biens matériels. Une telle ouverture d’esprit peut prendre des années à se développer si notre seul contact avec différentes cultures se fait via la télé ou encore Instagram. Voyager dans des endroits éloignés, c’est un peu comme recevoir une grande claque qui te fait prendre conscience des diverses réalités et qui te rend d’un seul coup beaucoup plus empathique.
Mes rencontres m’ont non seulement permis d’apprécier davantage mes voyages, mais aussi d’élargir mes horizons. Quelques-unes des personnes que j’ai rencontrées sont devenues de bons amis que je suis allée visiter depuis, d’autres m’ont imprégné de leur sagesse en me donnant des conseils de carrière. Prendre le temps de voyager dans la vingtaine vaut plus que tout l’or du monde, surtout si tu vois cette expérience comme une façon de remplir ton CV, et non comme un vide sur celui-ci. D’ailleurs, avec la popularité montante des nomades numériques, on peut maintenant travailler tout en voyageant. Cool, non?
Une amie rencontrée en auberge a obtenu l’emploi de ses rêves une fois de retour à la maison. Ses voyages lui avaient donné une longueur d’onde face à ses nombreux compétiteurs. Elle avait été capable de tirer des exemples de ses aventures dans son entrevue — au fil des ans, elle avait entre autres appris à négocier le prix des taxis et des différentes activités.
Pour ma part, voyager dans ma vingtaine m’a permis de lancer mon blogue de voyage, de me mettre à l’écriture et de diffuser des histoires ramassées aux quatre coins de la planète. Ça m’a aussi permis de découvrir le Canada, pays que je considère aujourd’hui comme ma maison. Et ça m’a donné davantage confiance en moi. Crois-moi, je n’aurais jamais acquis tout ça en restant chez moi et je rêverais probablement encore d’alpagas.
J’ai probablement plus d’étampes dans mon passeport que d’argent dans mon compte en banque, et alors?
Oui, j’ai explosé le budget avec lequel j’aurais pu m’acheter une nouvelle voiture ou une minuscule maison de banlieue, mais dépenser tout ce que j’avais sur mon voyage m’a permis de devenir la personne que je suis aujourd’hui. Une fois de retour en Angleterre, j'ai continué à travailler pour le magazine pour lequel je travaillais auparavant, mais ça n’aura duré que trois mois. J’ai rapidement réalisé que ce n’était pas pour moi et je me suis donc reconvertie comme journaliste voyage à la pige.
J’ai recommencé à mettre de l’argent de côté, mais cette fois, c’était pour déménager au Canada. Et c’est ce que j’ai fait à l’âge de 30 ans! Pour être honnête, j’ai probablement plus d’étampes dans mon passeport que d’argent dans mon compte en banque, et alors? J’ai toujours pu vivre confortablement et continuer à voyager depuis mon premier vol d’avion.
Alors, arrête d’attendre après ce coup de fil. Il va toujours y avoir une ou deux raisons pour ne pas prendre l’avion, mais il va toujours y en avoir une foule pour le faire. D'ailleurs, je n'ai toujours pas vu la Bolivie… du moins pas encore.