Seule dans la foule: Aller à un festival solo vaut totalement la peine
Dès que j'entends les premiers accords du groupe pour lequel je suis venue, tout le reste disparaît. Les lumières clignotent et brillent, et je sens la musique dans chaque partie de mon corps : de mes cheveux à mes orteils, vibrant dans tout mon corps. Je suis là, à écouter mon groupe préféré, loin de chez moi et tout seule, dans une foule de 20 000 inconnus. J'écoute, je danse, je crie et j'essaie d'enregistrer chaque détail de ce moment. Je veux garder chaque seconde dans ma mémoire.
J'ai toujours été convaincue que la meilleure façon de se connaître vraiment est d'être seule, tout en étant entourée d'autres personnes. Que ce soit dans le train, dans les musées, dans les salles de classe ou même dans les festivals de musique, il y a quelque chose de si libérateur dans le fait d'être seule, et pourtant si connectée à tout les autres qui m'entourent. J'ai participé à d'innombrables festivals, certains sous la neige, d'autres arrosés de bière, et je ne les oublierai jamais. Que ce soit avec tes colocataires, tes meilleurs amis, tes collègues de travail ou tes frères et sœurs, tout le monde a un groupe avec qui ils adorent participer à des festivals. Alors qu'est-ce que j'ai fait quand j'ai découvert un festival auquel je mourais d'envie d'aller et qu'aucun de mes amis ne pouvait y aller parce qu'ils avaient soit un mariage, soit un travail d'adulte, soit des cours à l'université ? Bah j'y suis allée quand même ! J'y suis allée seule.
Souvent, si tu attends que quelqu'un soit libre, qu'il ait les jours de congé, l'argent supplémentaire, ou juste l'intérêt, tu risques d'attendre à l'infini. J'admets que ma plus grande peur est de me réveiller un jour et de réaliser que la liste des choses que je voulais faire est plus longue que celle des choses que j'ai faites. Cette peur guide la plupart de mes actions. Ça peut sembler être une façon solitaire de voyager et de découvrir le monde, mais je garderai toujours en mémoire les histoires folles et les amitiés éphémères (mais profondes) que j'ai nouées en cours de route.
Je me suis fait des amis lors d'un des concerts et ils étaient vraiment surpris que je sois venue de si loin, toute seule, juste pour écouter de la musique.
Lorsque j'ai vu pour la première fois le programme du festival en question, j'ai su dans mon cœur que je ne pouvais pas le manquer. Même si c'était à 4 500 kilomètres de chez nous, à l'autre bout du Canada, et que je savais que ça allait me coûter cher, je devais quand même y aller. En tant qu'étudiante universitaire, il n'est pas toujours sage de faire le party quand on doit plutôt travailler (ou étudier), mais j'ai quand même acheté un bracelet pour le festival. Aux yeux de plusieurs, ce voyage n'en valait pas la peine. Tout ça pour voir quelques groupes de musique ?! Ma décision semblait irrationnelle, mais il se trouve que l'irrationalité est ma spécialité. J'ai passé les deux mois suivants à envoyer sans relâche des textos à mes amis, à leur rappeler quels groupes joueraient, à partager mes playlists de festivals, mes tags de concours Instagram, tout ce que je pouvais pour les persuader. Au final, ça n'a pas marché. Bien que je comprenne pourquoi ils ne pouvaient pas venir, j'étais déçue d'aller au festival par moi-même. Quand le jour est arrivé, j'ai pris le chemin de l'aéroport toute seule, le sac à dos rempli de nerfs et de lunettes de soleil.
Je ne suis toujours pas sûre de ce que c'était, mais quelque chose dans un festival solo me semblait différent. Généralement, j'aime faire les choses seule. J'ai déjà voyagé, fait des randonnées, été au cinéma et au restaurant toute seule, mais cette expérience me semblait différente. Au début, je me suis sentie mal à l'aise, comme si j'étais la seule personne présente sans une gang avec qui rire, prendre des photos, boire ou danser. J'avais l'impression d'être de retour au secondaire, et je me suis dit que c'était sans doute ça qu'on ressentait quand on mangeait seul dans la cafétéria. Encore aujourd'hui, je déteste admettre que je ne me sentais pas à ma place. Pas trop longtemps après mon arrivée, j'avais besoin de me changer les idées, et quelques bières ont été un bon moyen d'apaiser mon stress. Le soir suivant, je me sentais déjà à l'aise. Je me suis fait des amis lors d'un des concerts et ils étaient vraiment surpris que je sois venue de si loin, toute seule, juste pour écouter de la musique. Leur réaction m'a fait sourire ! J'aime surprendre les gens, et ça m'a rappelé que je devrais plutôt être fière d'être ici. Après tout, ça m'a prit beaucoup de courage. Heureusement, rendue au troisième soir, plus rien ne me dérangeait. J'étais seule, et je m'en foutais complètement. Mon groupe préféré jouait ce soir-là, et j'en ai profité au max.
J'ai fait en sorte d'arriver sur la scène assez tôt pour avoir une bonne place près de l'avant. Alors que de plus en plus de gens arrivaient pour le show et que le soleil incroyablement chaud de l'après-midi commençait à se coucher, je pouvais sentir l'énergie dans le parc commencer à monter. Mon espace personnel diminuait, et les discussions animées pouvaient être entendues dans la foule. Je sentais l'excitation dans l'air autour de moi.
Le spectacle a enfin commencé. D'abord, j'ai entendu un accord sur une guitare, puis l'explosion des cris, la combustion soudaine d'heures d'attente. À ce moment, nous avons collectivement oublié à quel point nous étions fatigués d'avoir dansé dans la chaleur toute la journée, ou les ampoules sur nos pieds, ou les coups de soleil sur nos épaules. Les cris et les frissons m'ont permis de rester présente et de garder les pieds sur terre, pendant que je dansais au rythme des chansons qui veulent tellement dire pour moi. J'ai passé les 75 minutes suivantes à me sentir au sommet du monde, et ce, même sans mes amis les plus proches. Le rappel est arrivé, et même si ma gorge était en feu à force d'avoir crié et que mes pieds avaient été piétinés, je me suis accrochée à cette dernière chanson comme si c'était la chose la plus importante au monde. Encore aujourd'hui, cette chanson a beaucoup d'importance pour moi. Après la fin de la chanson, je suis partie les oreilles bourdonnantes, les yeux brillants et la tête en feu. Je me suis effondrée dans mon lit et me suis endormie rapidement, la musique murmurant toujours dans mes oreilles.
Après ce dimanche soir, j'ai pris un Uber pour me rendre à l'aéroport, la tête remplie de beaux souvenirs. Je savais déjà que ce festival en serait un que je n'oublierai jamais.