La Colombie-Britannique : le paradis des baigneurs
À dire vrai, ça fait pas très longtemps que je me baigne en nature. Comme j’ai grandi dans une des plus grandes villes au monde, les chances de le faire étaient plutôt rares. J’ai appris à nager dans une piscine pleine de chlore. Je passais donc mes vacances d’été dans des villages en bordure de mer, trempant nerveusement un orteil à la fois dans l’océan glacé. Plus jeune, la mer m’intimidait : froide, d’un bleu d’encre et peu invitante. On peut dire que je n’étais pas une grande nageuse.
De leur côté, les Canadiens adorent la baignade en nature. Le Canada compte plus de lacs que tous les autres pays réunis (ce n’est pas des blagues). C’est peut-être pour ça que ça leur semble si naturel. En Grande-Bretagne, on n’est jamais bien loin d’un point d’eau, mais ça nous donne pas envie d’aller nous faire mariner pour autant.
C’est en 2015 que j’ai réalisé que la baignade sauvage, c’était un vrai passe-temps. Mon chum, avec qui je sortais depuis peu, m’a avoué que c’était quelque chose qu’il voulait faire plus souvent et je me suis dit que c’était exactement ce dont j’avais besoin : un rush d’adrénaline pour me garder saine d’esprit. La baignade en nature est tellement rare au Royaume-Uni, que ceux qui en font forment presque une secte secrète. En fait, il y a véritablement un club de baignade à Bristol. Ceux qui la pratiquent sont des aventuriers; insouciants, décomplexés et fiers de l’être. Moi aussi, je voulais être comme eux. Je voulais faire quelque chose d’excitant, de nouveau et d’épeurant à la fois. Je souhaitais me sentir vivante. C’est ainsi que mon amour pour la saucette est né.
Je voulais faire quelque chose d’excitant, de nouveau et d’épeurant à la fois. Je voulais me sentir vivante.
Ma première expérience de baignade en nature a été pas mal spéciale. Pendant une fête à Gloucestershire, mon chum et moi avons découvert un accès la rivière Wye. Il faisait excessivement chaud et l’eau avait l’air particulièrement bonne. On s’est déshabillés et on a sauté. J’avais l’impression de faire quelque chose d’interdit. On est retournés à la fête, nos sous-vêtements trempés et sentant la rivière à plein nez. Je m’en foutais, car je venais de découvrir une nouvelle passion.
J’ai passé cet été-là à nager dans des rivières et à me baigner à poil dans les baies désertes du pays de Galles, du Devon et d’Écosse. J’ai appris à apprivoiser l’eau froide et à laisser l’adrénaline m’envahir. Je me suis baignée nue, en sous-vêtements et en maillot de bain. Chaque fois, je finissais trempée pour le reste de la journée (mais ça valait totalement la peine).
C’est aussi cet été-là que j’ai décidé que je voulais déménager au Canada.
Deux ans, une demande de visa, plusieurs au revoir émouvants et un peu plus de 11 000 km plus tard, je suis finalement arrivée en terre promise : la Colombie-Britannique ou encore le paradis des baigneurs.
Les plages urbaines de Vancouver
Je suis arrivée seule à Vancouver et je me suis rendue directement à mon auberge de Kitsilano. C’était une journée plutôt chaude, en plein mois de mai. Je me sentais très loin de chez moi. Le matin suivant, je suis allée à la plage de Jéricho, tout près de l’auberge.
C’est peut-être un peu bizarre qu’en arrivant dans une nouvelle ville — et spécialement dans une ville canadienne —, ma première idée ait été de me rendre à la plage. Mais c’était ce dont j’avais envie. J’ai fouillé dans ma valise à la recherche de mon maillot de bain et je suis sortie en direction de la mer.
J’oublierai jamais la vue depuis la plage de Jéricho. La géographie de Vancouver est unique; la plage fait directement face au centre-ville et à ses gratte-ciel, sur fond d’énormes montagnes. Le parc Stanley, forêt verdoyante au cœur de la ville, se situe de l’autre côté du bras de mer. Absorbée par le paysage, j’ai respiré l’odeur de l’océan et j’ai tout de suite su que j’allais adorer l’endroit.
Absorbée par le paysage, j’ai respiré l’odeur de l’océan et j’ai tout de suite su que j’allais adorer l’endroit.
Ma première baignade en nature a été bizarre. Encore brouillée par le décalage horaire, je me suis laissée tomber dans l’eau et j’ai fait l’étoile de mer, flottant avec le cou cassé pour m’assurer que personne ne s'emparait de ma clé de chambre. (Ce n’est pas arrivé. En fait, je suis certaine que ça n’arrive jamais au Canada.) Ma baignade m’a vraiment apaisée. Je suis retournée à la plage presque tous les jours dans les semaines qui ont suivi. J’essayais d’être le plus possible près de l’eau. J’avais l’impression qu’une journée sans plongeon était une journée perdue. Ma dépendance s’accentuait.
Bien vite, Jéricho et Wreck sont devenues mes plages préférées. Elles sont un peu plus tranquilles et ont un p’tit quelque chose. Surtout Wreck. Comme elle donne sur l’ouest, on peut y voir des couchers de soleil magnifiques. C’est aussi la plus grande plage en Amérique du Nord où les vêtements ne sont pas requis. Elle attire donc les nudistes et autres hippies du genre. Rien n’oblige à se déshabiller, mais je dois dire qu’il n’y a rien de plus libérateur que de sentir l’eau sur sa peau nue (ça et un bronzage parfait).
Une corde à Tarzan au lac Brohm
Mon été avait commencé en force, mais j’étais prête pour quelque chose d’encore plus intense. J’ai rencontré un Britannique dans ma première auberge et on est allés à Squamish tous les deux. C’était la première fois que j’empruntais la route Sea to Sky et, franchement, c’était incomparable. Squamish n’est qu’à une heure de voiture du centre-ville de Vancouver, en direction de Whistler. C’est de loin le trajet en auto le plus impressionnant que j’ai fait de ma vie.
On est arrivés au lac Brohm un peu par hasard. On s’est stationnés aux abords du premier sentier qu’on a croisé sur la route. La marche était facile et le sentier faisait le tour du lac. L’eau brillait au soleil et il n’y avait personne, à l’exception de quelques oiseaux.
On voulait se rendre à une corde à Tarzan qu’on avait aperçue depuis le stationnement. Après avoir marché 30 minutes pour y arriver, on était prêts à se rafraîchir. Tout juste à côté, il y avait un rocher parfait pour se faire bronzer. Mais j’étais là pour me baigner. J’ai sauté. Le lac était profond, l’eau était claire et, étonnement, juste à la bonne température. Je sais que de l’eau reste de l’eau, mais c’était ma première expérience dans un lac canadien et, étrangement, j’avais l’impression qu’elle était plus propre et plus pure que celle des lacs de chez moi.
L’eau turquoise du lac Garibaldi
Le lac Brohm était superbe, mais ce n’était rien à côté du lac Garibaldi. Il fait définitivement partie du top 3 des plus beaux lacs que j’ai vus. À quelques minutes de voiture de Whistler, c’est là que j’ai aperçu un glacier pour la première fois. Le lac est situé au pied du glacier et il est majestueux. Dire que l’eau est bleue serait un euphémisme. L’eau est d’un turquoise des plus intenses, un peu comme le lac Louise ou Moraine dans les Rocheuses. Il faut prévoir une randonnée d’environ quatre heures en amont depuis le sentier du lac Garibaldi pour y accéder. Il est donc assez haut dans la montagne et l’air est plutôt frais, mais ça n’allait pas m’arrêter.
L’eau était froide; j’ai dû nager une minute tout au plus, mais j’y repense tous les jours. J’ai hâte de pouvoir y retourner. Le lac Garibaldi est normalement gelé jusqu’en été... Ça donne une idée de la température de l’eau! Cela dit, après une longue randonnée à la chaleur, la saucette devient presque une expérience spirituelle.
J’avais eu droit à un bon aperçu des merveilles de la nature de la Colombie-Britannique et j’étais en amour. Cet été-là, j’ai eu la chance de nager dans différents lacs de la rive nord : le lac Joffre, Alice, Lost Lake, Lynn Canyon et la rivière Capilano (tous plus magnifiques les uns que les autres).
La saucette automnale au lac Buntzen
J’étais déterminée à faire durer l’été canadien autant que possible. À la fin septembre, je suis donc partie en direction du lac Buntzen, mon maillot sous mes vêtements. Au nord-est de Vancouver, le lac est très facile d’accès. On avait tout de même l’impression d’être en pleine forêt, entourés de montagnes et de végétation luxuriante. Il faisait chaud, mais l’eau était assez froide.
La cerise sur le gâteau? Il n’y avait personne d’autre que nous. Mon chum et moi avions passé l’été séparés et il venait d’arriver au Canada. C’était sa première baignade dans les eaux sauvages canadiennes. On a nagé jusqu’à épuisement et on s’est couchés sur un banc pour profiter des derniers rayons de soleil de l’été.
Une découverte surprenante : les galeries Malaspina
L’île Gabriola, retraite d’artistes et autres hippies du genre, se situe à environ 20 minutes de traversier de Nanaimo. Les galeries Malaspina sont accessibles en quelques minutes de voiture depuis la gare maritime. La seconde où j’ai vu des images de l’endroit sur Instagram, j’ai su que je devais y tremper les pieds.
Les formations de grès des galeries Malaspina en font un lieu tout à fait unique où se baigner. Sans parler des compliments que tu recevras pour tes photos. Les plus courageux sautent de la corniche, mais la forme concave de la galerie permet aussi de se glisser tranquillement dans l’eau.
Malheureusement, la température était amplement sous la normale saisonnière cette journée-là. L’eau était trop froide, même pour moi. J’y ai trempé mes orteils (qui ont presque gelé) et je me suis promis de revenir pour les rayer de ma liste.
J’aurai vécu un été spirituel à la fois divertissant et purifiant... Et j’espère que ça t’inspirera à te saucer aussi souvent que tu le pourras toi-aussi.