Un an plus tard: l’impact de la pandémie sur nos auberges et notre communauté

05.04.21

Linda Dip est la directrice de HI Lake Louise Alpine Centre depuis maintenant 14 ans. Durant toutes ces années, elle n’avait jamais eu à barrer les portes d’entrée. Ce n’est pas comme si elle pouvait non plus - les portes de l’auberge n’avaient même pas de serrure ! Comme plusieurs auberges à travers le monde, celle-ci était ouverte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et ce, à l’année longue, alors que des milliers de voyageurs du monde entier se rendaient dans cet impressionnant chalet en montagne situé au milieu de la forêt à Lake Louise. Puis, est arrivé mars 2020.

Alors que les nouvelles au sujet du coronavirus se répandaient, le personnel de l'auberge commençait à installer des affiches rappelant aux clients de se laver les mains régulièrement, de garder leurs distances et de surveiller leurs symptômes. En l’espace d’une semaine, l'épidémie de Covid-19 était déclarée comme une pandémie par l'OMS. Les annulations ont commencé à s’empiler, les frontières se sont fermées et peu de temps après, la décision a été prise de fermer HI Lake Louise Alpine Centre ainsi que la plupart des auberges HI au Canada. Linda a rapidement commandé une serrure et l'a fait installer sur les portes d'entrée de l’auberge. Le 22 mars 2020, pour la première fois de sa vie, Linda ferme et verrouille les portes de l'auberge, rentre chez elle et fond en larmes.

Ce même scénario a été vécu par toutes les auberges HI à travers le Canada. Tandis que la situation évoluait et changeait de jour en jour, plusieurs décisions ont dû être prises rapidement par les directeurs ainsi que le siège social. Une à une, les auberges ont fermé; les voyageurs ont été informés que leurs séjours devaient être annulés, des remboursements ont été effectués, le personnel a été mis à pied et les portes ont été barrées. Comme des projecteurs qui s'éteignent un par un dans un stade, le réseau HI est devenu silencieux en l'espace de quelques jours. Au cours des 87 années d'existence de HI Canada, rien d’aussi majeur ne s'était jamais produit.

Un an plus tard, nous revenons sur ces jours douloureux et faisons le point avec deux de nos cinquantaine d’auberges, qui forment la famille et le réseau HI Canada. 

«Ce fut un jour très émotionnel pour moi. J’y pense encore aujourd’hui, et ça me met les larmes aux yeux.» mentionne Linda à propos du 22 mars 2020. «J’ai eu peur, j’ai été triste, et je me suis sentie débordée par les évènements, par ce qui allait arriver, mais surtout, je me suis sentie inconfortable de penser à l’inconnu devant nous. Ce jour-là, tout notre personnel est venu travailler pour nettoyer le restaurant et finaliser leurs tâches à l’auberge. J’ai fait un dernier tour de nos deux bâtiments pour m’assurer que toutes les portes et fenêtres étaient barrées. Les employés sont retournés chez eux, et je me souviens être allée dans mon bureau, assise toute seule dans ce bâtiment vide, sous le choc et incapable de réaliser se qui se produisait. La situation me paraissait irréelle».

Une habituée à HI Lake Louise, qui était présente lors des derniers jours d’ouverture, a plus tard écrit une lettre à l’auberge décrivant ce dont elle avait été témoin en cette journée marquante, alors que Linda avait la tâche difficile de mettre à pied la majorité de son équipe. 

«J’ai observé le visage de beaucoup d’employés et visiteurs» elle écrit. «Quelques-uns d’entre eux avaient l’air d’avoir peur, d’autres étaient tristes ou incertains. Je me suis même demandée si je devais me bâtir un igloo à l’extérieur après la fermeture de l’auberge ? Et puis, je me suis rendue compte que ça devait être beaucoup plus douloureux pour Linda, qui devait informer les membres de son équipe qu’ils perdraient leurs emplois.» 

«J'ai observé les employés quitter son bureau, un par un, dont certains que j'avais appris à très bien connaître au fil des années. Plusieurs avaient les larmes aux yeux, d'autres affichaient un visage plus courageux.»

«Et au milieu de cette atmosphère de guerre, j'ai vu Linda donner des directives avec une détermination positive et polie, sans s'arrêter un instant, sans vaciller. Elle savait absolument ce qu'elle faisait, comme si elle avait l’habitude de gérer une fermeture d’auberge en pleine pandémie. Pendant une seconde, j'ai eu l'impression de regarder un film de guerre avec une héroïne nommée Linda, sauf que... c'était bel et bien la réalité.»

Nicolas Lemaire travaille pour HI Canada depuis maintenant 20 ans, et depuis 2009, il est le directeur de HI Montréal, une adorable auberge à trois étages peinte de rouge et de blanc, au coeur des rues du centre-ville de Montréal. Il était en congé de paternité quand HI Montréal a dû fermer ses portes le 1er avril 2020, mais était tenu au courant par ses collègues qui, au début, étaient naïvement optimistes à propos de cette pandémie, comme nous l’étions tous un peu en mars dernier. 

«Quand on a fermé, personne ne savait que la pandémie allait durer aussi longtemps,» se rappelle-t-il. «Tout le monde espérait être de retour en service assez rapidement.» 

Lorsque Nicolas est revenu de son congé de paternité, l'auberge était vide, à l'exception de quelques membres du personnel restés sur place pour surveiller le bâtiment. C'est une chose de se retrouver dans une auberge calme à certains moments. Mais c’est tout autre chose pour des grandes auberges comme HI Lake Louise Alpine Centre et HI Montréal de ne recevoir aucun visiteur. 

Les effets de la pandémie étaient plus apparents dans une ville effervescente comme Montréal, alors que ses rues se vidaient si soudainement. «Le trajet vers l’auberge était irréel. Avec toutes les instructions de travailler à distance et de rester chez soi, les rues habituellement très animées du centre-ville étaient rendues désertes. Montréal était devenue une ville fantôme, ce qui rendait la situation encore plus stressante.» 

Dans le village beaucoup plus petit de Lake Louise, qui déborde souvent de touristes toute l’année, un silence rare est tombé sur la petite ville et son célèbre lac. «Quand la pandémie a commencé, je n’avais jamais connu Lake Louise aussi calme. C'était agréable de pouvoir aller au village et de ne pas être entouré de tonnes de gens. Il y avait un sentiment de lenteur et de paix dans notre communauté pendant quelques mois.»

Dans les coulisses, les directeurs d'auberge et les équipes du siège social étaient occupés à planifier le retour à la normale, même s'ils ne savaient pas nécessairement quand cela aurait lieu. Les équipes des opérations, des ressources humaines et du marketing ont élaboré des plans de sécurité COVID-19, consulté les responsables de la santé publique et les associations professionnelles, commandé du matériel tel que des masques, des panneaux séparateurs et du désinfectant, formé le personnel et surveiller attentivement le nombre de cas et les directives gouvernementales. Le 29 juin, HI Lake Louise a rouvert ses portes, ainsi qu'une poignée d'autres auberges en Alberta et en Colombie-Britannique. Le 1er juillet, c’était au tour de HI Montréal d’ouvrir les siennes.

L'hébergement a changé du tout au tout. Dans cette nouvelle réalité, certains des meilleurs aspects d’une auberge n'étaient simplement plus possibles. 

L'hébergement a changé du tout au tout. Les dortoirs de HI Lake Louise Alpine Centre et de HI Montréal fonctionnaient à la moitié de leur capacité. L'accès aux cuisines était limité ou supprimé, et les clients devaient porter des masques et garder leurs distances avec les autres. Des écrans en plexiglas avaient été installés aux comptoirs d'accueil et des affiches dans toutes les auberges rappelaient aux clients non pas les tournées de pubs, les activités ou les visites de la ville à venir, mais le lavage des mains, la distanciation sociale et le port du masque. Les activités régulièrement programmées pour les voyageurs, ces moments de rencontres qui font des auberges ce qu'elles sont, ont été annulées. Dans cette nouvelle réalité, certains des meilleurs aspects d’une auberge n'étaient simplement plus possibles. 

«Il y avait une tranquillité qui nous était complètement étrangère, voire incompatible avec l'esprit de chaleur et de convivialité auquel nous sommes habitués», se souvient Nicolas. «Pour des raisons de sécurité, toute l'énergie et la ferveur que nous mettions habituellement dans la vie sociale à l'auberge ont dû être mises en veille. On avait l'impression que l'auberge avait perdu un peu de son âme.»  

Alors que la capacité d'accueil était réduite et que les visiteurs internationaux étaient peu nombreux (la plupart d'entre eux étant déjà dans le pays lorsque la pandémie a frappé et que les frontières se sont fermées), les voyageurs ont tout de même pu profiter d'un été, pour le moins étrange, grâce à ces lieux de séjour abordables. La plupart d’entre eux venaient de la même province ou des environs et cherchaient à s'évader de chez eux, pendant que le nombre de cas baissait pendant les mois les plus chauds.

Les clients ont accepté les changements à bras le corps, et les réactions aux mesures de sécurité et aux changements opérationnels ont été extrêmement positives.

«Les visiteurs se sont montrés très respectueux des nouveaux protocoles mis en place dans l'auberge», déclare Linda. «Ils savent que leur sécurité est notre priorité absolue, et les mesures de distanciation sociale et de nettoyage accru de l'auberge ont été très bien accueillies par les clients.»

Pour ce qui était du travail dans une auberge, c'était une tonne de travail, dit Linda.  

«Il y a eu tellement de travail en coulisses avant que nous puissions ouvrir. Je me suis sentie en confiance, car le plan de sécurité COVID-19 de notre association était solide et couvrait tous les aspects des opérations pour chaque département», dit-elle. «Tout notre personnel a été formé aux nouveaux protocoles et a fait un travail remarquable pour s'assurer qu'il respecte nos plans de sécurité.» 

À Montréal, Nicolas se rappelle des sentiments inattendus d’unité et de support qui sont nés de ces circonstances peu idéales. 

«Cette pandémie a certainement fait ressortir beaucoup d'humanité chez mes collègues, et je pense ici aussi à l'équipe du siège social», dit-il. «Ils ont gardé la tête froide et ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour sauver la situation. Si nous avions été en charge du Titanic en 1912, je suis certain que nous aurions veillé à ce que tous les passagers aient d'abord une place sur les bateaux de sauvetage et, comme dans le film, les musiciens auraient continué à jouer jusqu'à la fin.» 

Alors que les voyages d'été diminuaient et que les auberges entraient dans la basse saison, la décision a été prise de fermer à nouveau les auberges pour préserver les ressources financières épuisées. HI Montréal reste fermée pour l'instant, mais prévoit de rouvrir cet été. HI Lake Louise a rouvert à la mi-janvier pour des séjours entre le jeudi et le dimanche uniquement, afin de permettre aux visiteurs de profiter de la saison de ski des Rocheuses. Malgré tout, Linda et Nicolas restent optimistes quant à l'avenir, et à un retour à la normale pas si lointain. 

«C'est l'aspect social qui me manque le plus», déclare Linda. «Je suis impatiente d'ouvrir le sauna et le billard et d'organiser des activités pour nos visiteurs. Je veux qu’ils se mêlent les uns aux autres. L'ambiance est complètement différente lorsque tout le monde se retrouve et partage des histoires sur ses voyages. J'ai hâte que nous puissions ouvrir nos frontières en toute sécurité et revoir tous nos voyageurs et amis internationaux.»

«Lorsque nous reviendrons à la normale, j'aimerais pouvoir offrir une expérience d'auberge encore meilleure que celle que nous avons eue jusqu'à présent», déclare Nicolas. «J'espère pouvoir offrir une expérience encore plus écologique, plus inclusive, mieux ancrée dans la communauté locale, mais en restant tout aussi sûre, confortable et amicale que d'habitude.» 

Malgré les défis de l'année, et les longues périodes de calme et d'incertitude, des amis se sont faits et de nouvelles expériences ont été vécues. L'une des voyageuses de HI Montréal, originaire d'Allemagne, n'est restée que quelques jours avant de devenir bénévole à l'auberge. Lorsqu'elle est partie, à la fermeture de l'auberge en octobre dernier, elle avait appris suffisamment de français pour tenir une conversation. Elle a laissé derrière elle un dessin qu'elle avait fait de l'auberge ainsi qu’un court message, écrit en français, qui se trouve maintenant encadré dans le bureau de Nicolas.

«Merci pour tout», peut-on y lire. «Vous allez me manquer, à bientôt !»

Les expériences de Linda et Nicolas ne sont que deux des nombreuses histoires qui se sont déroulées au cours de l'année dernière au sein du réseau HI Canada, qui compte plus de 50 auberges d'un océan à l'autre. Pour savoir quelles auberges sont ouvertes ou quand elles prévoient de rouvrir et pour en savoir plus sur nos protocoles de sécurité, visite hihostels.ca/staysafe.

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