Surmonter la barrière de la langue en voyage

23.03.19

En 2016, j’ai passé un mois à étudier l’histoire de l’art à Florence, en Italie. Je n’ai pas appris grand-chose de la langue du pays, mais en rencontrant des inconnus, j’ai appris une nouvelle langue universelle : celle de la gentillesse.

Je passais mon temps à me promener dans la galerie Uffizi et dans les jardins Boboli. Après les cours, j’allais manger un gelato ou de la pizza au square près de l’auberge. C’était mon premier voyage à l’étranger et je profitais de chaque instant.

La fin de semaine, je visitais les villages environnants avec Morgan, ma compagne de chambre. En Italie, prendre le train était abordable et beaucoup plus efficace qu'à Halifax. On est allé à Cinque Terre, à Sienne et à Cortone, une petite ville de Toscane au sommet d’une colline. Cette dernière est surtout reconnue pour son architecture, ses rues étroites et pour le tournage du film Sous le soleil de Toscane.

Je me souviendrai toujours de notre visite. Ce samedi-là, on s’est levées tôt avec l’idée d’attraper le premier train pour Cortone. On a traversé Florence et la rivière Arno jusqu’à la station et on est montées dans le train. C’était parti — on roulait vers le sud entre les collines et les vignobles. Après deux heures de trajet, on est arrivées à Cortone en milieu de matinée. Le soleil brillait au-dessus de nos têtes, mais quelque chose clochait. La station était presque vide. Où était tout le monde?

Barrière de la langue à Cortone, en Italie

On a vite réalisé que notre petite randonnée était plus difficile que prévu. Il faisait chaud et la pente était abrupte.

À l’autre bout de la station, des affiches annonçaient un service d’autobus. Apparemment, la station de train était en bas de la colline sur laquelle la ville était perchée. On devait donc prendre un autobus pour atteindre Cortone. Comme on était samedi, il y avait un autobus à l’heure et on venait de le manquer. On a alors fait ce qu’il y avait de plus logique à faire : on a sorti nos téléphones. En cherchant sur Google, on a lu que Cortone n’était pas si loin et qu’on pourrait s’y rendre en marchant. Selon les commentaires en ligne, on y serait en 30 minutes. Pas de problème! Nos sacs à dos étaient légers, donc on prévoyait y être pour midi. On a commencé à marcher en longeant le chemin poussiéreux, apercevant Cortone au loin. On a vite réalisé que notre petite randonnée était plus difficile que ce à quoi on s'attendait. Il faisait chaud et la pente était abrupte.

Ça faisait déjà une demi-heure qu’on était en route et on était encore loin du sommet. J’avais beau être prête à explorer l'Italie, je n’étais assez en forme pour ça. Dégoulinant de sueur, essoufflée, je me suis arrêtée pour boire de l’eau et enlever mon chandail à manches longues. On a marché un autre 15 minutes, mais on avait l’impression que ça ne finissait pas et qu’on n’était pas près d’arriver à Cortone.

On a croisé des petites maisons clôturées. Quelques voitures nous ont dépassées, laissant un nuage de poussière derrière elles. Fatiguées, on a fait une pause sur le bord de la route. On a bu l’eau qu’il nous restait et on a partagé une banane et une barre de granola, essayant d’estimer le temps nécessaire pour monter au sommet. Une heure, peut-être?

Barrière de la langue à Cortone, en Italie

Une voiture qui approchait s’est arrêtée à notre hauteur. Morgan et moi avons rapidement échangé un regard. Une femme d’environ 40 ans était derrière le volant et une petite fille était assise du côté passager. Probablement une mère et sa fille. Cette dernière a descendu sa vitre.

« Allez-vous à Cortone? », a demandé la femme avec un fort accent italien.

On a monté sur la banquette arrière de la voiture et, bientôt, on roulait en direction de Cortone.

On a hoché de la tête. Son regard et son sourire sympathiques nous inspiraient confiance et quelque chose me disait que ce n’était pas la première fois qu’elle voyait de pauvres touristes essayer de gravir la colline à pied. On a monté sur la banquette arrière de la voiture et, bientôt, on roulait en direction de Cortone.

Dans la petite voiture, on a pris dix minutes à parcourir ce qui nous aurait pris une autre heure à pied. On a tenté de jaser un peu avec la femme et sa fille, leur demandant si elles vivaient à Cortone, mais notre italien se limitait pas mal à « ciao » et à « tutto bene ». Heureusement, le trajet a été de si courte durée. Je pensais à ma mère, au Canada, qui n’aurait pas du tout approuvé que je monte en voiture avec une inconnue. Mais je me sentais particulièrement en sécurité sur la banquette arrière et, après tout, on était deux et on était presque arrivées.

La jeune fille nous a souri.

« C’est votre première fois à Cortona? », a-t-elle demandé avec un accent.

J’ai souri et fait « oui » de la tête, sans trop savoir comment dire en italien que le paysage était incroyable. Une fois au sommet, on s’est arrêté dans le stationnement d’un point de vue. On est descendu de la voiture et j’ai ouvert mon sac à dos pour sortir deux pins du drapeau canadien que j’avais apportées. Je leur en ai donné chacun une.

« Grazie mille. » On les a remerciées plusieurs fois avant qu’elles repartent. Puis, on a marché jusqu’à l’entrée de la ville.

Barrière de la langue à Cortone, en Italie

Les rues fourmillaient de gens contemplant les vêtements et les chapeaux exhibés à l’extérieur des boutiques. Tous les quelques mètres, de petites portes, menant à des appartements ou des maisons, contrastaient avec les grands murs de brique. Affamées, on est entrées dans le premier café qu’on a trouvé pour dévorer un panini et siroter un Aperol spritz.

Après notre dîner, on a passé quelques heures à marcher entre les églises, le long de passages étroits, et à manger du gelato. On a pris l’autobus pour retourner à la station de train et on était de retour à Florence à la tombée de la nuit.

Je me souviendrai toujours de ma journée à Cortone : l’incroyable spumini que j’ai acheté dans une boutique de bonbons, l’averse qui nous a surprises pendant qu’on déambulait dans un marché aux puces à ciel ouvert et surtout, la générosité de la femme qui nous a conduites jusqu’au sommet de la colline et qui m’a enseigné que la barrière de la langue ne sera jamais suffisante pour freiner un élan de gentillesse.