Retournerai-je un jour en Australie ?
Quand tu as commencé à voyager, y a-t-il une destination qui t’as vraiment marqué ? Un endroit où tu t’es senti à ta place, si confortable que tu savais que tu y retournerais pour plus longtemps ? Pour moi, cette destination, c’est l’Australie. Toutefois mon premier séjour ne fut pas exactement sans pépin, et dès mon arrivée, je ne souhaitais rien d’autre que de retourner chez moi.
À 18 ans, je me suis retrouvée seule à l’autre bout du monde. J’étais partie vers l’Australie avec mon copain, son frère et son meilleur ami. Nous avons exploré Sydney, Melbourne et Darwin avant de voler vers Bali, où il m’a laissée.
Je n’ai jamais pensé voyager solo. Ce qui devait être un séjour romantique s’est transformé en un voyage de découverte et de self-love. Rien n’allait comme prévu. J’ai considéré retourner chez moi, mais j’ai finalement décidé de continuer seule. Jamais je n’aurai cru que cette rupture serait la meilleure chose qui aurait pu m’arriver.
J'ai pris l'avion de Kuta à Perth parce que c'était le vol le moins cher pour retourner en Australie. En descendant de l'avion, j'ai soudainement réalisé que je n'avais personne à suivre - personne pour trouver l'auberge ou pour s'occuper de moi - sauf moi-même. En marchant vers Cottesloe Beach, un autre backpacker m'a repéré en train de transporter mes bagages et m’a dit: “Je m'appelle Martin, je suis Belge. Tu viens d’où ?”
“Canada,” je lui ai répondu. Après une petite conversation, Martin m’a invitée à rejoindre un groupe de backpackers pour une partie de volleyball. J’ai accepté, me sentant moins seule.
Lorsque j’ai rejoint mon nouveau groupe d’amis, je me suis aperçue que la majorité d’entre eux voyageaient aussi seuls. J’avais déjà dormi dans des auberges auparavant, mais je n’avais jamais vraiment rencontré quelqu’un qui n’était pas directement lié à moi ou mon copain. Là, j’étais en train de boire une bière avec un Finlandais, deux Américaines et un Israélien alors que le soleil se couchait derrière nous. Après quelques verres, nous étions déjà en train de planifier se visiter l’un l’autre dans nos pays d’origine. Nous partagions tous le même rêve: faire le tour du monde.
Malgré mes craintes et ma peine, je suis retombée amoureuse, cette fois-ci de l'Australie. À la Bay of Fires en Tasmanie, j'ai grimpé sur des rochers gris parsemés de lichens couleur de braise et j'ai nagé dans une mer gelée, cristalline et turquoise. J'ai observé un requin tourner en rond sous moi en faisant de la plongée sous-marine dans la Grande Barrière de Corail. J'ai senti le soleil me brûler les épaules pendant que je faisais le tour de l'île Rottnest à vélo, à la recherche d'adorables quokkas, des wallabies qui ressemblent à de minuscules kangourous.
J'ai commencé à prendre plaisir à me réveiller dans des dortoirs bondés, à me faire de nouveaux amis tous les jours et à essayer constamment de nouvelles choses. La vie était aussi simple que: où aller ensuite ? J'avais enfin trouvé ma place dans le mode de vie des backpackers.
Tout n'a pas été facile toutefois. Il y a eu de véritables moments de solitude, de peur et de confusion. Lors d'un festival de musique punk qui durait toute la journée, j'ai dansé dans une mer d'étrangers, me sentant gênée d'être seule dans la foule remplie de groupes d’amis. Alors que je faisais du bénévolat dans une ferme des Atherton Tablelands, je me suis retrouvée au milieu d'une bagarre dans un bar, terrifiée pour mes amis qui étaient soudainement blessés. Lors d'une visite en bateau des îles Whitsunday, la pluie battante a obscurci le sable blanc dans des eaux troubles et j'ai eu le mal de mer tout le long du voyage.
Tous ces périples m’ont appris bien des choses. Après tout, c’est en faisant face à des situations difficiles qu’il nous est possible de grandir, et non quand tout va bien.
Après cinq mois, je suis rentrée à Grand Prairie, en Alberta, pour commencer l’université. Je me suis aussi promis que j’allais retourner faire un voyage de longue durée très bientôt...
Dix ans ont passé.
Je continuais à voyager, voyager, et encore voyager, tout en gardant l'Australie dans mon esprit.
Bien sûr, les dix années ne sont pas passées aussi vite. Après ma première année d'université, j'ai obtenu un visa de travail de deux ans pour le Royaume-Uni. J'étais serveuse dans un hôtel situé à l'extrême nord de l'Écosse, passant mes journées de congé à errer parmi des châteaux en ruine et à retracer ma lignée au bord de la froide mer du Nord. J'ai parcouru l'Europe en sac à dos et j'ai travaillé dans une station de ski des Alpes françaises où une soudaine blessure de snowboard m'a obligé à interrompre mon voyage. J'ai pris l'avion pour rentrer chez moi et entamer un long et pénible rétablissement.
Lorsque j'ai eu 21 ans, je me suis inscrite à l'université de Kelowna, une belle ville au bord d'un lac avec des vignobles ondulants dans la vallée de l'Okanagan en Colombie-Britannique. J'ai vécu avec plusieurs colocataires, à un moment donné sans même savoir combien d'entre nous partageaient la même maison. Cela m'a rappelé le séjour dans des auberges avec des cuisines encombrées et des espaces communs animés. J'ai passé mes vacances d'été en Inde et à Berlin avant d'étudier à l'étranger en Corée du Sud tout en écrivant en free-lance pour des magazines de voyage. Je continuais à voyager, voyager, et encore voyager, tout en gardant l'Australie dans mon esprit.
À 25 ans, j’ai déménagé à Montréal pour commencer ma maîtrise. Alors que je vivais dans un vieil appartement en briques rouges et que je travaillais comme journaliste de voyage, j’ai visité des endroits comme l'Équateur et le Mexique, et j'ai même pris un jet privé pour Cuba. C'était loin de mes jours en auberge. Je pensais encore aux couchers de soleil auburn à Perth, aux rochers pourpres en Tasmanie et aux vagues de chaleur insupportables à Cairns. J'ai repoussé mon retour en Australie, en me disant “l'année prochaine”, encore et encore.
Je me demande pourquoi j’ai hésité. Je pouvais trouver une tonne d'excuses - j'étais séduite par de nouveaux endroits, concentrée sur mon éducation et je doutais que ma blessure en fin de voyage puisse résister à un voyage de longue durée - mais il y avait autre chose. J'avais peut-être peur de ne jamais pouvoir y retourner. Tout serait différent, les gens, les lieux, les activités, et moi-même. J’avais peut-être peur de ne pas me sentir comme à mon premier voyage. Peut-être que j'aimais avoir un voyage à planifier en permanence. Peut-être que je me sentais trop vieille ou trop établie pour voyager impulsivement comme avant.
Finalement, on m'a proposé un poste à plein temps de responsable des médias sociaux, d'écrivaine et de rédactrice en chef à Vancouver. Comment pouvais-je refuser ? Quand j'ai accepté le poste, je croyais encore que je reviendrais un jour en Australie. Ce rêve s'est prolongé avec d'autres objectifs ambitieux, comme la publication de mon mémoire et mon retour à Kelowna. Je fondais mes espoirs sur la promesse de futures aventures. Je croyais que je n'arrêterais jamais de voyager.
C’est à ce moment-là que la pandémie a frappé.
Lorsque le coronavirus est apparu pour la première fois dans les journaux, je ne pensais pas qu'il valait la peine de s'inquiéter. En février 2020, j'étais en voyage au Mexique, buvant de la bière Corona et plaisantant sur le virus. Même après que le confinement de mars m'ait obligé à annuler un voyage au Pérou, j'ai cru qu'il ne s'agirait que de quelques semaines - tout au plus, quelques mois - à passer en quarantaine. L'Australie semblait encore tout près et j’étais pleine d'espoir.
Plusieurs voyageurs ont vu leurs plans dérailler en raison de la pandémie mondiale. Certains sont rentrés en plein milieu de leur PVT, tandis que d'autres n'ont même pas eu la chance de partir. Plusieurs de mes amis sont bloqués à l'étranger, demandant le statut de résident permanent tout en souhaitant pouvoir rendre visite à leur famille lointaine. D'autres voyageurs, comme moi, qui avaient repoussé leurs projets de voyage à long terme, ont commencé à réaliser que ces rêves pourraient ne jamais se réaliser, du moins, pas de si tôt.
J'ai toujours envie de partager des bières et des histoires avec un groupe de backpackers sur la plage.
L'âge limite pour l'obtention d'un permis vacances-travail pour les Canadiens se rendant en Australie est de 35 ans. J'avais l'habitude de penser que j'avais autant de temps que je voulais pour aller où et quand je voulais. Je commence à réaliser que ce n'est pas vrai. Quand j'avais 18 ans, je pensais que je reviendrais en Australie à 23 ans. Je pensais que j'aurais un mari et des enfants à 25 ans. J'ai presque 29 ans, et rien de tout cela n'est vrai - et pourtant, je suis heureuse.
L'idée de bouleverser la vie que j'ai construite en Colombie-Britannique pour des vacances a perdu de son attrait pour moi. Je ne veux pas quitter mon travail, mes amis et ma famille pour aller travailler dans un café ou nettoyer des chambres d'hôtel. J'ai planté mes racines à Vancouver et je veux m’y voir grandir.
Je suis toujours une voyageuse, mais je veux voyager différemment. Je préfère maintenant réserver une chambre privée plutôt qu'un dortoir de six lits, mais je veux quand même vivre l'expérience de cuisiner dans la cuisine d'une auberge, imprégnée d'arômes de divers mets et épices d'autres cultures. J'ai toujours envie de partager des bières et des histoires avec un groupe de backpackers sur la plage.
S'il y a une chose que le voyage, les aléas de la vie et la pandémie m'ont appris, c'est de ne jamais rien tenir pour acquis. J'espère que les jeunes voyageurs profiteront des PVT lorsqu'il sera sûr de le faire. Voyager seule m'a appris à prendre soin de moi et à persévérer face aux obstacles. Ces expériences, bonnes et mauvaises, m'ont permis de développer un ensemble de compétences qui m'aideront à surmonter les obstacles dans ma vie. Les clichés sont vrais: j’ai appris à me connaître et à me découvrir quand j'ai quitté ma zone de confort. Aujourd'hui, je continue à travailler pour devenir ce que je veux être.
Peu importe ton âge, il n'est pas trop tard pour voyager à travers le monde. Ce n'est pas grave si tu ne veux pas - ou ne peux plus - voyager à long terme. Cela ne fait pas de toi un moins bon voyageur. Que tu ne veuilles faire que des excursions la fin de semaine ou que tu ne puisses pas travailler physiquement dans une ferme pour une deuxième année de visa, il existe encore des moyens de découvrir le monde et de profiter de la vie en auberge. Il n'y a pas de limite d'âge pour le voyage.
J'ai toujours l'intention de retourner en Australie, mais peut-être pas avec un permis vacances-travail comme je croyais il y a quelques années. Ce n'est pas grave. Je n'ai pas manqué une occasion ou échoué à réaliser mon rêve; ce rêve a simplement évolué.
Nos rêves, désirs et même promesses changent, parfois en raison de circonstances extérieures - comme une pandémie mondiale - et parfois, un peu, parce que nous avons aussi changé.